mardi 29 mars 2016

Pour une poignée de milles vers l'Est ...

Nous resterons dans la baie de Salinas pendant une semaine complète. Quand on entend "baie" on pense être à l'abri. Là, non. Pas de mer mais un effet venturi venu des collines voisines nous offre un vent soutenu et permanent de 20 à 25 noeuds avec rafales à 30, tout le temps, tout le temps, tout le temps ... La tenue des fonds du mouillage n'étant pas excellente ( un catamaran voisin est même parti s'échouer un jour de grosses rafales) nous ne quittions le bateau que très rarement et pour de courtes durées. Mais le bruit permanent de ce vent avec un demi-stress de dérapage ne nous reposait pas... Hélas, il fallait attendre une fenêtre météo avec des vents plus calmes pour enfin quitter cet endroit.

Nous surveillons de près les prévisions météos et les fichiers grib sont étudiés soigneusement. Le but du jeu est de rejoindre l'Île de Saona à 100 milles à l'Est. Puis vient le moment ou les prévisions sont suffisament clémentes et le vent bien orienté pour nous faire longer la péninsule de Bani puis traverser la baie de Santo Domingo. Une brise de 12 noeuds devrait nous faire avancer au bon plein avec quelques bords "aveugles" pour conserver le cap si nous dérivons de trop ou si le vent refuse un peu mais ce devrait être une navigation confortable, sure et plaisante.

Nous partons le soir vers 19h00 pour y voir suffisament clair afin de zigzaguer entre les récifs et les hauts-fond de la sortie de la baie de Salinas mais aussi pour bénéficier des accalmies de la nuit. Le vent est encore un peu fort mais il "doit" se calmer ... Nous sommes encore à l'abri de la côte sur 2 milles, mais une fois passé la pointe nous sommes accueillis par 18 noeuds, puis une heure plus tard 20 noeuds avec rafales à 22/24... de face ! Nous voilà donc en train de tirer des bords de près serré, dans 20 noeuds établis avec une mer qui, elle aussi, s'est bien établie genre houle-courte-qui-vient-bien-taper. A bord c'est ambiance "combat" avec équipement de combat au complet, normal, c'est la guerre ! Nous en étions à un stade ou nous attendions des "molles " sous la barres des 20 noeuds pour effectuer nos manoeuvres de virement de bord :

" - Y'a combien ?
  • 22 ...
  • Réels ou apparents ?
  • Réels...
  • Bon, on attend encore ...
  • La côte approche...
  • Je sais ...
  • ...
  • Y'a combien là ?
  • Ca se calme y'a 19
  • 19 ? C'est bon on vire ! "

Nous faisons 30 milles dans ces conditions, en 7 heures ...
Il est 2 heures du mat' quand le vent se calme (un peu) puis avec l'effet de pointe il s'oriente "mieux", nous pouvons faire un route dans le 100 (pour 90). Heureusement car le passage Est de la pointe est aussi très (très) fréquenté par les cargos. A un moment donné, notre AIS nous annonce même plus de 32 cargos et pétroliers (dont certains en manoeuvrabilité restreinte donc prioritaires) dans la zone dans laquelle nous évoluons ...

Zig et zag sont dans un bateau ...


Un peu plus de 20 milles plus tard, le vent sera pris de folie avec le jour qui se lève. On lui a demandé d'aller consulter depuis car son instabilité nous inquiétait vraiment. Il nous faisait des variations de force de 10 noeuds et directions de 40° qui le rendait très difficile à suivre...

Après une période "zigzaguante" nous avons opté pour un bord à terre, en fait nous avons obéis à une belle et longue adonnante que l'on ne refuse pas dans ces conditions. Nous espérions que la mer se calmerait un peu en arrivant dans le creux de la baie, mais non! On est là pour en ch... on va en ch... jusqu'au bout ! En effet, nous sentions déja les effets de la houle du tristement célèbre "passage de Mona" qui sépare la Republique Dominicaine de Porto-Rico.

Merci Fée Electronique de nous aider à veiller ...


A la tombée de la nuit – oui, cela fait 24 heures que nous naviguons – nous tirons quelques bords près de l'île Catalina, les refusantes les rendront désastreux mais nous arriverons tout de même à trouver la route nous menant à l'île Saona, notre destination initiale.

Nous arrivons près des côtes tant attendues et désirées vers 1 heure du matin, l'approche est franche, nous mouillons par 8m de fond de sable avec 50 mètres de chaine. Nous grignoterons un petit morceau le temps de voir si l'ancre tient malgré les rafales qui n'ont pas cessées depuis nous sommes partis, puis nous irons au lit après une bonne douche bien chaude ... Nous nous sommes bien battus pour gagner quelques 110 milles vers l'Est en en parcourant 154 à une moyenne de 5 noeuds au près sérré, les manoeuvres de réduction de voilure et de virement de bord ont été nombreuses. Les prévisions météo ont été plus érronnées que jamais, mais cela fait partie des joies de la nature, on va dire ...

L' île Saona le matin...

Bon, pour notre prochaine étape, nous devons franchir le "passage Mona" pour rejoindre Porto Rico et là, ce serait bien que Monsieur Météo ne se trompe pas... On attend donc une "vraie" accalmie pour traverser. L'avantage d'être à Saona – peu protégée des vents dominants – est que nous avons la météo "réelle" en direct, on devrait avoir moins de surprises ...


L' île Saona le soir ...





lundi 21 mars 2016

Des Aigles aux Salines ...

Deux heures du matin, le réveil sonne, tout le monde debout !
Les vents viennent de se calmer et aujourd'hui est une journée avec vents faibles, nous allons donc profiter au maximum de ces quelques heures calmes pour "tracer direct" puis suivre la côte lorsque les vents se lèveront à nouveau ce soir.



2h30, la voile est hissée, génois déroulé en grand, les 7 noeuds de vent dans le 50° nous aident mais la mer est hachée car nous avons un peu de courant avec nous et la houle résiduelle est énervante et inconfortable.

9h00, le vent est complètement tombé mais la houle de travers est toujours là, agaçante et rendant l'atmosphère désagréable. En effet, voile, gréement et cordage claquent, cognent, s'usent et s'abîment. On affale tout ! Moteur à 2000 tours, on en profite pour faire de l'eau douce.

Le vent jouera un peu avec nous entre 10h et 17h, puis décidera de se lever.

17h00, on hisse la grand voile.
17h30, on prend le ris n°1
18h30, on prend le ris n°2

22h00 Le vent monte encore, la mer grossit. Nous changeons de cap pour faire une route plus proche des côtes et bénificier ainsi des vents de terre qui calmeront les vents dominants.

0h00 l'ambiance se calme enfin, nous allons longer la baie et ainsi suivre une route à moins de 3 milles des côtes.

5h00, nous nous prenons un filet dans le safran et l'hélice babord. Le bateau hoquète et continue sa route mais il faudra être vigilent à l'arrivée au mouillage.

Le vent d'est montera avec l'arrivée du jour, mais nous faisons maintenant une route suffisament sud pour ne pas être pénalisé.

Bahia de Las Aguilas ...


Il est 11h00 quand nous sommes installés dans la Bahia de Las Aguilas (la Baie des Aigles) par 4m80 de fond de sable et de corail, la plage de sable blanc délimite l'horizon de l'eau turquoise. Un mouillage désertico-paradisiaque comme nous les affectionnons. Ici, rien, personne, pas de route, pas de construction, pas de touristes... seule une barque de pêcheurs viendra nous échanger 6 langoustes contre une demi-bouteille de rhum et 3 bières fraîches... Nous irons démêler le filet pris dans l'hélice, qui étrangement peut encore tourner, et le safran puis repos ...

Les fonds sont de mauvaise tenue, nous avons déroulés 55m de chaîne, mais les vents permanents nous font déraper lentement mais régulièrement. C'est une situation à laquelle nous sommes habitués, nous avons de l'eau à courir avec des fonds plats, donc pas d'inquiétude.

Cinq jours plus tard, nous préparons notre passage du Cap Beata par le canal Beata en faisant un saut de puce d'une vingtaine de milles pour aller mouiller sous le vent de l'île du même nom: Isla Beata. Nous partirons tôt, et aussitôt un vent soutenu nous accueille dès la sortie de l'abri de la baie des Aigles. Nous aurons donc à tirer quelques bord par 25-27 noeuds réels pour venir mouiller sur cette petite île jolie comme tout ou seules une vingtaine d'embarcations de pêcheurs viennent y faire leur saison de pêche. Un poste de Garde-Côte y est également présent, nous aurons droit à leur visite, puis un café et une bière fraîche reduiront les formalités à leur plus simple expression.

Sous le vent de Isla Beata ...

Deux jours plus tard, une "fenêtre météo" s'ouvre. En fait, avec les accélérations et de vent dues à la géographie et les différentes brises et courants, on ne peut être surs de rien quant aux prévisions que nous recevons par satellite. Donc, 6h30, nous partons avec des conditions "moyennes" sans gros coup de tabac prévu, c'est notre seule certitude. Autre certitude aussi, notre GPS-lecteur de carte du poste de barre vient de nous lâcher.

Nous tirons un long bord vers le nord pour ainsi franchir le canal de Beata sur l'autre bord mais d'une seule traite. Le canal n'est pas super large et peu profond, on ne veut pas y zigzaguer entre les hauts fonds. Le vent est déja fort mais la mer est calme, nous faisons un cap raisonnable. Nous avons prévu d'abattre un peu à la sortie du canal car l'état de la mer et le vent seront certainement ceux que l'on est censés rencontrés lors du passage d'un cap par vents contraires...

Le deuxième ris est pris, le troisième en position, le génois est roulé au "4ème" tour" façon trinquette, nous sommes donc sereins pour les rafales à plus de 30 noeuds et franchissons la mer désastreuse que nous rencontrons à la sortie du cap. Le but est de s'en éloigner en tirant un bord sud-est puis virer une fois les accélérations d'effet de cap épuisées. La houle est grosse et pleine face, mais nous filons 6 à 7 noeuds légèrement débridés. Tout va bien, mais nous nous félicitons de ne pas avoir de passagers dans cette ambiance de combat, le ciel est gris, la mer est grosse et le vent siffle furieusement dans les haubans...

Bonne nouvelle, le vent adonne de 60° ! Cela nous aide considérablement et nous permet de "couper" notre route initiale et de gagner du temps. Une heure plus tard, le vent refuse et revient dans sa configuration "prévue". Nous virons et notre cap coincide avec la route directe. Une houle croisée vient renforcer l'effet "machine à laver" de ce type de navigation, nos organismes sont heureusement amarinés...

Le vent se calmera vers 14h00, la mer redeviendra structurée. Nous larguons un ris. Un coin de ciel bleu est prometteur. Nous pêchons un barracuda de taille moyenne.

Les conditions continuerons ainsi à a se calmer, nous larguerons le ris restant pour conserver de la puissance dans cette mer qui est encore houleuse. Cette fois ce sera un thon que nous ramèneront à bord.

23h00, nous sommes en vue (nocturne) de Las Salinas (les Salines), notre destination. Le vent tombe complètement ( 5 noeuds), nous affalons tranquillement et préparons notre approche "à l'ancienne" sans cartographie au poste de barre.

23h30, quelques zig et zag plus tard, nous sommes rentrés dans la baie et sommes mouillés par 5m de fond. Demain nous verrons ce à quoi ressemble cet endroit ...

Il est déja tard quand nous allons à terre le lendemain. Nous interrogeons les gens de l'hotel proche, qui nous indiquent aimablement comment aller aux bureau de l'immigration. Un quart d'heure de bus plus tard, nous sommes dans l'algéco de l'officier d'immigration, les passeports sont tamponnés et nous voilà allégés de 80 dollars. Restent les "autorités maritimes" avec lesquels nous avons rdv à 14h. Ils arrivent à 3, un Garde-côte, un officier des services de sécurité (M-2), un officier des narcotiques. Un petit clapot se fait un plaisir de mouiller tout ce petit monde entassés dans le dinghy pour venir à bord de Jingle. Une fois à bord, remplissage de feuille de papier blanc que nous leur fournissons. Là encore, un café, un verre de rhum et 10 dollars de pourboire simplifieront les formalités... mais nous avons fait notre entrée officielle en République Dominicaine !

Bahia de las Salinas, la baie des Salines et l’hôtel duquel on vous écrit ...

vendredi 4 mars 2016

L'Île à Vaches, paradis perdu ...

Arrivée à l'Ile a Vache...
Nous abattons légèrement et choquons les écoutes, le bateau respire enfin et est heureux de galoper librement. Nous longeons ainsi la côte sous le vent de l’île à Vache en évitant les casiers à langoustes, les filets et les pêcheurs eux-même. Ces pêcheurs, aux embarcations rustiques et instables déploient des surfaces de voiles déraisonnables par rapport à la largeur de leur coque et leur moyen de contrer leur dérive... donc ils dérivent beaucoup. Cela ne leur empêche pas de partir loin – une dizaine de milles – pour aller chercher un poisson qui se laissera attraper dans leurs maigres filets. En effet, peu de "gros" mais plutôt de la friture.

Cette île est belle, des palmiers, des collines verdoyantes, des plages de sable blanc, une eau turquoise...Cela pourrait même être un véritable paradis sans les tempêtes et les cyclones qui viennent régulièrement balayer le pays et anéantir ses habitants. Nous arrivons à petite vitesse dans la baie de Feret, les fonds sont variables en profondeur et en tenue, nous traînons déjà une ribambelle de gamins sur "pirogue" et autres EFNI – engins flottants non identifiés – qui s’accrochent au bateau pour nous proposer leurs services comme guides ou voulant décrocher un petit boulot type nettoyage de bateau ou toute autres taches convenant à un boat-boy.

Les pêcheurs reviennent ou partent relever leurs filets et casiers...

Nous mouillons l'ancre dans quelques mètres d'eau puis il nous faudra être courtois mais fermes pour se débarrasser de nos gentils petits amis flottants parfois à l'oreille difficile. Après une bonne et longue sieste réparatrice nous re-découvrons l'endroit ou nous sommes. La baie est calme et paisible, la musique et les rires cristallins des enfants se propagent sur l'eau, le soleil se prépare à se coucher, les pêcheurs rentrent au bercail à la voile et nous proposent poissons frais et langoustes au passage. Plus tardivement, un verre de vin blanc bien frais à la main et les langoustes sur le grill du bbq, nous oublions peu à peu nos longues heures de navigation contre les vents...

Jingle au mouillage...

Ici aussi, les vents sont capricieux et le lendemain les bourrasques d'un grain fera déraper deux de nos voisins et nous fera modifier notre emplacement pour être mieux protégés, nous en profiterons pour ajouter 20m de chaîne et ainsi dormir tranquilles car une petite semaine de vents assez forts de secteur Est est prévue. Nous choisirons parmi les multiples et répétitives offres, parfois agaçantes il faut le reconnaître, "notre" boat-boy qui se chargera de tout ce dont nous aurons besoin. En fait nous n'avons pas besoin de grand-chose, nous avons du poissons et des langoustes avec les pêcheurs, mais il nous trouvera quelques tomates, des bananes, des œufs...

Jingle s'interroge sur l'équilibre ...

Il nous conduira aussi au marché du jeudi qui à lieu au village principal "Madame Bernard" situé à deux heures de marche agréable le long d'un sentier allant de village en village. Pas de voitures sur cette île, quelques petites motos servent à tout, taxi et transport de marchandises. Peu de marchandises toutefois car l'île et ses habitants sont très (très) pauvres. Ils n'ont rien et de toutes façons rien n'est disponible. Seuls fruits, légumes, viande et poisson, puis un strict minimum de vaisselle et autres fournitures pour la vie courante sont présentés sur les étals sous le soleil du marché. Pour ceux habitués à l'Afrique, l'ambiance n'est pas si dépaysante, le bétail est famélique, le sol couvert de plastique, les enfants rient et jouent, de jeunes chiots les suivent, les poules courent après leurs poussins et les cochons grognent dans leur boue... comme autrefois.

Un nouveau jour commence ...


Est venu le temps, pour nous, de penser aux différentes stratégies – passer au large ou longer les côtes -  pour parcourir les 500 prochains milles, soit de l'Ouest de Haïti ou nous sommes, passer la République Dominicaine, franchir le Mona Passage et enfin passer Porto-Rico. Pourquoi cela représente-t-il un "tout", c'est parce-que ces prochaines navigations vont se ressembler. Nous serons toujours contre les vents, mais le long des côtes. Ce "cabotage" va nous permettre une navigation thermique, en effet nous allons utiliser les effets de brise de terre – ou effets catabatiques – pour contrecarrer les vents dominants. Comme les marins le savent, ces brises catabatiques qui descendent des montagnes apparaissent au coucher du soleil et s'estompent avec l'apparaition de celui-ci. Vous l'aurez compris, cela impose des navigations essentiellement de nuit et avec des vents dominants inférieurs ou égaux à ces brises... à nous donc de trouver des abris jalonnant notre route...


Nouveau mouillage dans 10m d'eau...

Nettoyage du coude d'échappement et révision moteur...

Image devenue quotidienne à l'Ile a Vache ...


Labour à la charrue à boeuf...

Ces bateaux, plus grands demandent plus d'entretien et sont donc abandonnés ...




En allant vers le marché ...

Constructions et couleurs traditionnelles ...

Pourquoi "ile à vaches" ??? Comptez bien, il y en a au moins 6 dans ce bateau en partance ...


mardi 1 mars 2016

De Jamaïque à Haïti, très mat très mat ...

La Jamaïque comme nous l'avons vécue, dommage ...
Nous quittons la Jamaïque, son mauvais temps et ses torrents de boues aux aurores. Dans notre collimateur: Haïti, plus précisément l'Ile-à-Vache au sud de la péninsule sud.
Nous prévoyons 3 jours de navigation, peut-être 4 car nous sommes contre les vents. En effet, une brise d'Est est prévue dans cette fenêtre avec des variations Nord-Est et Sud-Est. Le vent doit, en principe, être suffisamment faible (max 20 Noeuds) pour être maniable, en revanche ce seront des allures de près. Tout le long du parcours.

La journée s'annonce belle et ensoleillée, une manière jamaïco-sarcastique de nous dire au revoir sans doute. Nous aurons tiré 4 bords la première journée sous 1 ris et 1 tour et déja le vent se révèle capricieux. Nous mettons cela sur le compte du relief de l’île, en effet les effets catabatiques nous envoient des accélérations de vent nous empêchant de libérer toute la toile, nous restons arisés et cela nous ralentit car un courant contraire à pointé son nez et nous envoie 1 à 2 noeuds de face...

On s'en sort bien ... :)

La journée s'achèvera avec de lourds nuages opaques sans orages ni éclairs mais avec des surventes et des changement de directions de vent peu reposant, la mer est hachée et difficile à passer sans puissance. Le même phénomène se reproduira au matin lors du lever du soleil et ainsi de suite tous les jours, deux fois par jours minimum nous aurons ces accélérations et changements de directions de vent pendant 2 à 3 heures...

Le reste du temps est passé à l'optimisation du cap tout en conservant de la puissance pour "passer"correctement cette mer démontée et contraire. Parfois une vague plus grosse, plus vicieuse et mal orientée, stoppe net le bateau qui met des siècles à se relancer contre le vent et ce satané courant. A mi-chemin, on ne projette même plus de date d'arrivée tellement notre avancée est aléatoire en terme de vitesse et de parcours. Puis, les derniers jours, nous bénéficierons de vents constants – sauf les matins et soirs - ce qui nous donnera une direction générale se rapprochant de celle de notre objectif...






Les journées sont belles et ensoleillées, la pêche est infructueuse sans doute à cause du courant, il est difficile d'attraper une guitare dans cette ambiance de bombardement permanent donc chacun se plonge dans la lecture lors des périodes de repos ( Aventures d'Arkadi Renko pour l'une et celles d'Harry Bosch pour l'autre). Nous sommes au près et même si nous nous félicitons de ne pas avoir de gite inconfortable, la préparation de la nourriture est simplifiée – mais bonne - comme le reste des activités du bord pendant ces périodes de longues navigations.
Le quatrième matin, nous sommes en vue de la "Pointe à Gravois". Le courant que nous avions eu jusqu'ici se transforme peu à peu en contre-courant au fur et mesure que nous approchons des côtes.



Notre trajectoire est encore parallèle à ces dernières car nous devons passer la pointe avant de changer de cap, le vent n'est pas fort mais nous prenons un ris – le deuxième – en prévoyant un radical changement de conditions une fois arrivés à la pointe. De plus nous sommes au petit matin et la sérénade météo n'est pas encore arrivée et les nuages noirs ont décidé de restés installés au niveau de la pointe. Je vois l'arrivée de ce contre-courant d'un mauvais œil, d'un coté, certes, il nous aide à avancer mais de l'autre,  une fois passé l'abri de la pointe nous aurons un cocktail "vent face au contre-courant" qui  risque de produire une mer difficile.

Une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, je ne me suis pas trompé dans mes prévisions, la mer est belle et bien démontée, la mauvaise ... pareil, la mer est démontée et difficile à passer. Le récif est encore loin, mais on voit déjà l'écume des lames qui se fracassent contre les hauts-fonds. Nous appelons Mr et Mme Volvo à la rescousse puis je capelle le ciré et prends la barre, sous la pluie et un ciel plombé. Le Finistère l'hiver je ne m'en lasse pas !

Approche de la Pointe à Gravois ...

Un solide petit déjeuner à été pris avant le passage de la pointe aussi, nous pouvons conserver cette allure pendant des heures. Puis soudainement tout se calme, en un clin d'oeil, la mer s'aplanit, le vent tombe, le courant aussi et nous revient même un peu dans le nez et les nuages du matin se déchirent et partent au loin. Le ciel reste grisouille mais la lumière monte de plusieurs nuances de gris d'un coup.
Nous embouquerons le chenal menant à la Baie des Cayes entre la pointe Carrefour à terre et la pointe des Baleines sur l'Ile-à-Vache qui se dévoile avec une pointe de soleil dans le sourire. Trois jours pil-poil de navigation, pas de record de vitesse sur ce coup là, mais vues les conditions on est content d'arriver, de plus, l'île est belle et prometteuse ...

Les petites bonheurs de la navigation ...