lundi 20 juin 2016

Açores-Bretagne, tout ce que vous ne voulez pas savoir ...

La météo n'est pas formidable, mais il faut quand même penser à partir ...

Les fenêtres météo se font rares, c'en est même devenu le sujet de discussion principal sur les pontons. En effet, l'instabilité due aux basses pressions rend difficile les prévisions.

Les Açores ...
Puis, nous entrevoyons, une possibilité avec une période de 4 jours de grand largue nous faisant faire une route nord-nord/ouest suivie d'un flux de nord-est nous faisant, après un empannage, faire une route directe sur 5 à 6 jours vers la Bretagne, 1300 milles devant.

Nous sommes aux environs de midi quand, formalités faites, nous appareillons. Le brouillard est dense et nous espérions qu'il se serait levé, mais cela fait 2 jours que nous sommes dans la purée de pois, alors pourquoi pas aujourd'hui aussi ... Donc, nous n'avons rien vu des Açores de loin en arrivant, c'en sera de même en repartant. Une seule éclaircie nous montrera fugassement un morceau de côte ... Un premier grain à 30 noeuds nous fera capeler gilets et cirés dans la première heure, c'est clair, nous sommes partis !

Nous naviguerons ainsi 3 jours dans le brouillard. C'est un peu oppressant au début, puis finalement nous nous habituons à cette navigation "IFR" – Instruments Flying Rules adoptées par l'aviation – grace à notre électronique de surveillance. Nous n'allons pas bien vite, nous sommes à la limite du grand largue/vent arrière. On enverrait bien le spi mais nous n'apercevons notre tête de mat qu'avec difficulté, nous doutons donc que cette grande surface blanche et frivole de 130m2 soit facile à surveiller...et nous finissons par nous complaire dans cette lenteur agréable...

Plus nous avançons, plus ce "flux" de nord se densifie et devient préocuppant. En effet, les barbules des fichiers grib se ressèrent et se recourbent, une dépression est en train de naître en nord-Irlande. L'anticyclone situé à la hauteur du Portugal ne fera pas tripette face à ce qui est en train de se former... Mince, on va se prendre une branlée...



Nous empannerons alors que les vents sont encore maniables et faire ainsi une route plus nord. Cela nous rallonge, mais nous n'en sommes pas là. Le but est de pouvoir encaisser ce qui est maintenant devenu une dépresson assez "serrée", elle ne devrait pas durer plus de quelques jours mais nous sommes sur son chemin et il vaut mieux se reserver de la marge pour pouvoir abattre (incliner notre route) quand elle nous tombera dessus. Décidemment pas de bol, comme avant les Açores, on se prépare à la guerre. On sangle, on sécurise, on vérifie le matériel de sécurité... Sandrine cuisine des trucs facile à ingurgiter... Puis on attend, puis le vent tourne et se lève...

La mer est désordonnée et difficile. Elle grossit d'heure en heure, les vents atteindront 30 noeuds. La lame est haute mais courte. Jingle ne sent pas à l'aise dans ce chaos et à du mal à trouver ses marques dans cette mer hachée. Nous affinons les réglages afin de trouver le bon angle d'attaque. Le temps continue à grossir lentement, ce sera 40 noeuds le lendemain avec une mer qui doit être dans les 7m. Les départs en surfs se multiplient, la mer est toujours courte et pour la première fois Jingle enfourne de l'étrave tribord, nous sommes à 18 noeuds. Les étraves, à l'intérieur, sont remplies de mousse d'insubmersibilité pour moitié, le resultat est un effet "bouchon" rassurant lorsque celles-ci sont submergées. Nous changeons les réglages du pilote pour le faire lofer de plusieurs degrés afin de ne plus "planter" dans la vague de devant.

L'ambiance à bord est irréelle et hors du temps. Nous surveillons la mer et le vent, nous mangeons de la soupe, du pain et du jambon et nous essayons de trouver du repos. Nous vivons en tenue de quart nuit et jour et dormons dans le carré.
La vitesse du bateau est telle que la force de l'eau sur les hélices fait tourner les moteurs, nous devons couper le contact régulièrement.

23,8 noeuds enregistrés ...
C'est le jour suivant que nous aurons le droit au maxi avec 47 noeuds de vent, les corps sont maintenant habitués, le mental est verrouillé, le bateau – 3 ris/tourmentin – est prêt, nous sommes prêts. Etrangement, ça passe mieux car les vagues, bien qu'elles aient encore grandit un peu, sont plus longues. Nous faisons de longs, très longs, très très longs surfs ... Nous étions régulièrement à 17/18 noeuds, maintenant nous sommes à 20/22 noeuds... Nous enregistrerons même une pointe à près de 24 noeuds. Nos sens sont en alerte, bien sur, mais le bateau se comporte aussi bien que lors de la tempête tropicale aux Bahamas que nous avions essuyée quelques années auparavant. Il est stable, serein et conserve sa route. Soupe, pain, jambon, dodo...

Puis toutes les bonnes choses ont une fin (...), au 4ème jour de baston, les vents ont commencés à baisser. Les vents se stabiliseront le soir à 25 noeuds, nous renvoyons de la toile pour bien glisser sur la vague qui est encore grosse. Et là, c'est bien, le vent est fort mais pas trop, on continue à surfer sur la mer qui est orientée pile dans l'axe de notre destination, on avance vite mais c'est plus "calme". On peut commencer à se détendre, enlever nos tenues de pingouins et nos bottes, dormir dans un vrai lit et on ira même jusqu'à s'offrir une douche, rendez vous compte...

Le passage du rail ... Nous sommes au milieu des cercles rouges ...


Les jours qui suivront vont diminuer d'intensité progressivement mais nous resterons à bonne allure. Nous croiserons à la perpendiculaire le rail de cargos Ouessant/La Corogne, là encore merci l'électronique qui nous à permis de traverser cette avalanche de tonnes de ferraille sereinement. Ensuite, la route sur les îles bretonnes sera directe.


Nous arriverons de nuit. Hoedic qui était notre premier choix d'atterissage laissera la place aux Grands Sables de Belle-Île, plus simple d'accès de nuit. Puis nous rejoindrons notre belle petite île de Hoedic. Pour finir cette traversée avec panache, lors de l'approche du mouillage, juste après les zig et les zag entre les cailloux, la barre à roue s'est retrouvée toute molle et sans vie dans mes mains, la drosse venait de casser ... A peine arrivés, il à fallut démonter quelques cloisons, pour accéder aux poulies de renvoi de drosse et réaliser une réparation de fortune. Enfin, détente ... Le port de la Turballe où nous allons sortir le bateau ne pourra nous recevoir que dans quelques jours, cela tombe très bien, nous allons pouvoir revenir à une vie "terrestre" progressivement... Commençons par aller boire un verre à "la Trinquette" ...

Hoedic ...



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'oubliez pas de signer votre commentaire, soit en inscrivant votre nom dans "Nom/URL" soit en choisissant "Anonyme" et en signant à la fin de votre commentaire.