Les formalités de sortie sont
effectuées en douceur, nous mettons le cap sur Très Puntas pour la
nuit, demain nous partons pour le Bélize.
Les conditions de vent sont
particulières – en fait, emmerdantes – car le vent est instable
en force et en direction. Cela lève une mer pas toujours très
coopérative ni confortable, de plus lors des creux de vent nous
devons utiliser le moteur. Heureusement, le charme des îles efface
un peu cet inconvénient, mais la nuit le vent tourne souvent et rend
les mouillage inconfortables. Nous sautons ainsi d'île en île,
alternant baignades, « trouvailles » de langoustes et
rencontres avec les requins....
Nous sommes à Ranguana. Lorsque nous
sommes arrivés, il y a avait une bouée de mouillage disponible.
Généralement payantes, on s'en passe et jetons notre ancre à
proximité de celle-ci, nous sommes seuls : tout va bien. Le
lendemain, le vent à tourné (encore) et un bateau de charter
arrive, il prend la bouée mais du coup se retrouve assez (trop) prêt
de nous pour une nuit paisible. Le skipper vient me voir et me dit
qu'il connaît très bien le coin et qu'il y a d'autre corps-morts
mais sans bouée, il faut donc plonger pour aller y passer un
cordage. Serviable et sympa, il me propose même de le faire pendant
que je fais ma manœuvre d'approche avec mon bateau. Cela nous
permettra de nous écarter de lui et synchronisera nos rayons
d'évitage (ou d'évitement je sais plus). Il commence à se faire
tard, s'il faut le faire c'est maintenant avant la nuit. C'est parti,
une fois sur place, il est dans l'eau et on lui lance 2 amarres qu'il
passe dans le corps-mort, on les récupère, on les passe dans les
taquets et nous sommes stables. Et c'est là que je m'en voudrais
sans doute toute ma vie, même si cela n'aurait sans doute rien
changé : je n'ai pas plongé à mon tour pour aller vérifier...
(vous la sentez venir?). En effet, le jour tombe, c'est un corps-mort
qui ne risque pas de déraper comme une ancre, les 2 amarres sont
solides, blablabla. On met une alarme de mouillage quand même et
zou.
Il est 1h30 du matin quand Sandrine me
réveille car l'alarme s'est déclanchée. Le vent à tourné, l'île
est donc derrière nous, c'est sans doute pour ça. Je vérifie le
GPS, aussitôt une sueur froide me couvre le corps, nous dérapons... Ce n'est pas la première fois mais là le récif est tout proche derrière nous. Là, tout va très (très très) vite, j'allume l'électronique car
il fait une nuit noire, je ne vois même pas l'île qui est
maintenant très prêt, puis les moteurs (même le tribord) et hurle
pour appeler Sandrine. Le premier choc sous la quille à du arriver à
ce moment là, nous sommes en train de nous échouer sur les coraux
et un mauvais clapot qui s'est levé avec le vent nous pousse vers la
plage. Le sondeur indique 1m10, nous calons 1m20. Je ne vois rien du
tout tant la nuit est d'encre. Le bateau est échoué et ne peut plus
bouger malgré mes efforts aux moteurs que je fais hurler, j'entends
que ça cogne sur les deux coques avec des bruits terrifiants et
déchirants, je suis entrain de vivre le cauchemar que j'ai toujours
redouté, nous écrabouillons les coraux et je vois la plage à
portée de main. Sandrine s'évertue à éclairer les fonds alentours
afin de trouver une « passe » pour qu'on puisse se sortir
de là, John est à la VHF est appelle le cata voisin afin qu'il
viennent nous tracter avant que nous explosons les varangues, Rebecca
est transie, je suis aveugle et sens l'impuissance me gagner. Puis …
chance, le sondeur indique soudainement 1m20, je fais pivoter Jingle
sur ses moteurs et recule lentement moteurs pleine puissance vers
cette sortie improbable. Jingle, tel une tortue rampe d'une quille
sur l'autre en marche arrière, les chocs sont redevenus sourds,
c'est bon signe. Je suis toujours aveugle mais je « sens »
maintenant le bateau flotter, je serre les dents, je ne veux pas
perdre mon bateau comme ça, moteurs mi-régime pour avancer malgré
les vagues qui nous poussent vers là d’où on vient et
suffisamment doucement pour ne pas se prendre un bloc de corail
nombreux sur la zone. Demi-tour car nous sommes en marche arrière,
puis je « suis » la trace GPS qui nous amené là et
continue en direction de la passe d'entrée tant que nous n'avons pas
5m d'eau sous les coques, puis, a priori (car il fait nuit) hors de
danger nous jetons l'ancre... Je coupe le moteur tribord qui vient de
prendre la claque de sa vie avec son arbre a came en vrac et on fait
un 360 visuel autour du bateau pour tenter d'apercevoir des signes de
récif a proximité, rien. Vérification des pénétrations d'eau
dans les coques, rien. Vérification de l'alignement des safran,
c'est bon. Puis on va voir les cordages « responsables »,
les deux ont cassés en même temps, je le vois et j'ai pourtant du
mal à l'admettre. Mon visage est dur, je ne tremble pas mais je vais
me servir un verre de rhum car je sens que je ne suis pas prêt de
dormir, de peur de refaire le même cauchemar...
Le lendemain je vais vérifier l'état
des coques : le dessous des quilles à été « poncé »,
les flancs de quille ainsi que la partie avant des coques ont été
littéralement lacérés par les coraux mais le renforcement Epoxy
mis en place lors du traitement anti-osmose à très bien tenu, les
dégâts ne sont que superficiels. Les bruits que nous entendions
étaient ceux des coraux que nous maltraitions et non ceux de notre
polyester qui partait en lamelles. Un safran à été « usé »
par le sable mais n'a pas cogné. En revanche nous avons explosé
notre quota d'utilisation du moteur tribord qui gémit quand on le
met en route pour les manœuvres.
Pfff vous avez eu chaud, c'était pas encore son heure à Jingle, et je m'en réjouie pour vous. J'ai eu des frissons rien qu'en lissant.J'en vais m'envoyer un petit verre de remontant moi aussi.
RépondreSupprimerS'en vouloir ne réglera sans doute rien, mais des fois c'est plus fort que nous, et j'en sais quelque chose. Tout marin qui a vécu un échouement, même sans gravité, se souviendra toute sa vie du raclement de la quille sur les cailloux, qu'on sent le long de la colonne vertébrale jusqu'au cerveau. Content que vous et Jingle soyez en bonne santé (le "ponçage", ça compte pas, ça se répare). J'ai quémandé un peu de gnôle à Aglaé, on l'a bu à votre santé. Yec'hed mat
RépondreSupprimerClasse mon druide.... mais promis tu ne recommences plus..... depuis quand écoutes tu les glandus qui veulent te conseiller ????? tu vieillis mon poto..... N'oublies pas nos fondamentaux d'après stress.... Un Ricard, (ou plus), une bonne bouffe, dodo, et la machine repart..... Bisous (surtout à ma bigouden préférée).... J'oubliais, on t'envoie notre affameur, tu pourras lui faire faire un peu de gelcoat......
RépondreSupprimerDur dur en effet pour le coeur des mamans ! Mais bon il faut se raisonner , tant que vous pourrez nous raconter vos mésaventures (celles ci ne
RépondreSupprimersont pas des moindres !) on fera avec !! Bien obligées !!!
Vous n'avez rien c'est le principal , le reste c'est matériel ! Gros bisous
Oui Anick. Que du matériel. Jusqu'à maintenant les mamans étaient inquiètes pour les grands traversées. Maintenant elles vont aussi devoir s'inquiéter lorsque vous êtes dans les mers paradisiaques !!! Bisous très très forts à tous.
RépondreSupprimerBonjour à vous deux,
RépondreSupprimervous m'avez embarqué dans ce recit périlleux et je ne vous cache pas qu'il me tardait de lire les dernières lignes.
Que la force soit avec vous (mes amitiés au rhum)
Stefane de BRETAGNE
Quel recit (récif ?) haletant ! Ravi que cela se termine bien, et que l'aventure continue. Je vous embrasse
RépondreSupprimerGwehen