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Route de collision avec un grain au petit matin ... |
Saona est une jolie petite île. Peu
peuplée, elle se remplie toutefois tous les jours de 11h à 15h de
« touristes de masse » tout frais débarqués des
paquebots et qui déboulent en bateaux de charter ultra-motorisés et
viennent, en quelques heures, se remplir de rhum pas cher, de
poisson mal cuit et prendre un maximum de coups de soleil sur les
plages de sable blanc comme leur peau en arrivant... Le reste du
temps, l'île est à nous, seuls 3 voiliers sont au mouillage dont le
bolide à 2 coques de nos amis Néerlandais sur Bella Ciao.
Nous patienterons une bonne semaine
dans ce décor venté, puis … Miracle, mardi matin le vent
disparaît comme prévu (comme quoi ça arrive). Nous pouvons nous
mettre en route, on hisse la voile, on démarre les moteurs (enfin un
seul), on lève l'ancre et on dégage, les petits déjeuners seront,
comme habituellement, pris en mer. On contourne l'île de Saona par
le sud puis on fait cap au Sud-Est dans un premier temps pour éviter
les récifs de Bajos del Caballo et ainsi bien s'écarter de la
pointe extrême sud du pays qui est aussi l'entrée du « passage
Mona ». Une petite brise de sud-est se lève, nous pouvons
prendre un cap vers l'Est. Cette brise et les courants nous feront
faire une sinusoïde mais globalement la route sur le passage
s'effectue sans encombre pendant les 24h de cette traversée vers
Porto-Rico.
L'effet de pointe à l'approche de Cabo
Rojo (le Cap Rouge) nous empoisonne d'une belle refusante, nous
devons donc virer puis le vent disparaîtra avec le jour qui se lève.
Notre vieillissant mais encore vaillant Volvo prendra le relais pour
longer le sud de Porto-Rico. Notre idée est de s’arrêter
rapidement à la Marina de Poncé pour faire le plein de fuel et
repartir sans faire nos formalités... Nous arriverons effectivement
au ponton carburant vers 14h en espérant repartir au plus vite pour
conserver le bénéfice de cette fenêtre météo favorable...
C'était hélas sans compter sur le désagréable et inutile zèle du
responsable de la marina qui interdit au pompiste de nous servir si
nous ne faisons pas de déclaration douanière et d'immigration aux
autorités. Nous sommes déjà venus à Ponce, il y a 3 ans, les
bureaux sont en ville, il faudrait sortir du (grand) complexe de la
marina à pied puis trouver un taxi et faire la queue pour de la
paperasse inutile dans le sens ou nous quittons le pays aussitôt les
papiers d'entrées tamponnés. Je maudis ce vilain personnage
empêcheur de tourner en rond mais avant toute choses nous passons un
coup de fil aux autorités pour avoir confirmation de l'obligation
des formalités. Elles nous le confirment, hélas, mais nous
apprennent, heureusement, qu'une équipe est en déplacement à la
marina et qu'ils les contactent pour leur demander de passer sur le
bateau... Une lueur d'espoir naît... Une voiture de patrouille
arrive 3 minutes après avoir raccroché, 2 officiers (une femme et
un homme) compréhensifs et courtois – on est aux US – montent à
bord et intègrent parfaitement et rapidement notre situation. Les
formulaires sont remplis en 4ème vitesse puis tamponnés, nos visas
américains permanents sont en règle, nous pouvons faire le plein de
diesel et repartir rapidement...
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Le ponton carburant de Porto Rico ... |
Une brise de terre s'est levée et avec
la mer plate, car nous sommes sous le vent de l'île, nous filons 9
nœuds en ligne droite... Nous rêvons et imaginons pouvoir aller
ainsi jusqu'aux Iles Vierges Britanniques. Notre rêve durera 50
milles, puis au milieu de la nuit nous arriverons à l'extrémité
Est de l'île ou cette jolie brise thermique laissera la place à un
fort vent de 23 nœuds établi et de face que nous prendrons comme un
boulet de canon. La mer se forme très rapidement et la fin de nuit
sera un enfer. Nous tirons des bords à l'efficacité désastreuse.
Face à cette météo non-prévue, il est temps de sortir le plan B –
oui, il y a toujours un plan B – et faire route sur Vieques, la
première île après Porto-Rico. Nous sommes au petit matin et
avançons péniblement vers le mouillage du plan B quand de gros
grains isolés font leur apparition... Dont un qui croise notre
route... On le laisse un peu s'approcher car il a peut-être le temps
de se dissoudre avec la chaleur du jour qui se lève. Monsieur gros
grain ne se décide pas à se disparaître malgré la proximité de
notre abri, nous devons virer aux premières rafales à 27/28 nœuds.
La houle est plus « ronde » sur l'autre bord, on débride
de 5° et Jingle accélère pour fuir le grain.
Si on continue comme ça, dans 400
milles on est aux Grenadines, c'est joli aussi mais ce n'est pas du
tout notre destination. On vire après 20 milles. Les grains sont
partis, on peut donc se rapprocher à nouveau de Vieques. Dix milles
plus loin, une belle et aussi inattendue qu'inespérée adonnante
nous autorisera à gagner en cap et, ainsi, pouvoir passer Vieques
par l'Est, de peu, certes car nous ne sommes passés qu'a quelques
centaines de mètres des cailloux mais c'est passé. L'adonnante
donne encore un peu et se calme et nous poussons ainsi le bouchon
d'une vingtaine de milles supplémentaires jusqu'à St Thomas, la
plus grande des Îles Vierges Américaines. Ce soir nous allons
pouvoir dormir au calme.
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Les Îles Vierges ... |
Il fait nuit noire quand nous arrivons
dans la petite baie de Brewer's Bay, plusieurs bateaux y habitent
déjà et l'endroit est bien encombré. Nous entendons à la radio
« Au bateau qui arrive a Brewer's Bay, voulez-vous un
radio-guidage pour vous aider à mouiller dans la baie ? »
- et après on me demande pourquoi j'apprécie les voyageurs
anglo-saxons... - je répond évidemment par l'affirmative et suit le
guidage qu'on me propose, l'ancre est plongée, mon nouvel ami
d'Ocean Wing et désormais voisin est remercié, il est 20h... Pas
trop tard pour un apéro ? Hein ? … Puis une bonne douche
chaude, une gamelle bien remplie et au lit !
Il est plus de 10h quand nous
émergeons... Nous sommes encore un peu fourbus mais bien reposé.
Nous nous sommes aperçus qu'un des bossoirs – les supports de
l'arrière du bateau ou est suspendu notre dinghy – avait pris un
angle bizarre dans nos cabrioles par mer formée. La journée sera
passée à cette réparation. Demain nous partons pour
Charlotte-Amalie la capitale de l’île située dans la baie du même
nom, c'est mieux protégé et plus facile d'aller à terre...
La bataille vers l'Est s'est
poursuivie, nous avons encore gagné quelques 220 milles en en
parcourant 267 au total en réduisant notre vitesse à 4,5 nœuds
pour gagner en cap. Ce n'est pas fini, mais nous commençons à en
voir le bout. Courage !