Un petit ami est venu nous souhaiter la bienvenue en Bretagne |
Les deux premiers jours se déroulent sans encombres, le bateau avance paisiblement à 6 petits nœuds avec peu de vent et une houle modérée.
Le troisième jour le vent refuse (55/60° du vent apparent) et se lève salement, la houle suivra et rendra l'ambiance très rapidement difficile et cassante. Sandrine malgré ses 30.000 milles et ses navigations transatlantique succombe à un mal de mer qui la mettra au tapis, au lit jusqu'à la fin du parcours. Nous rentrerons dans une phase de vents forts à très forts avec jusqu'à 3 variations nettes par 24h. Le capitaine a donc goûté aux joies oubliées des prises de ris multiples en solitaire de jour et de nuit...
La visibilité diminuera très rapidement et sans rendre l'ambiance angoissante la rendra très humide quand même, qui fera se multiplier les déshabillages/rhabillages systématiques avec tenue de sécurité complète à chaque sortie du carré. Comment imaginer que les navigateurs en solitaires puissent s'ennuyer ... Tout demande 2 à 3 plus d'effort, de temps, de concentration car seul, on joue sans filet. Le secret c'est la préparation mentale de chaque manœuvre avant chacune de celles-ci. On répète, puis on joue. Même dans l'urgence car au final on gagne en fluidité et donc en vitesse d’exécution. Et d'urgence il à été question car nous avions à supporter un régime de grains toutes les nuits qu'il fallait prendre au sérieux avec ses rafales à 35 nœuds régulières.
Mon emploi du temps se déroulera donc à peu près comme ça:
Manœuvre-dodo-manœuvre-dodo-(...)-météo-navigation-dodo- manœuvre-dodo-manœuvre-(...)-repas-dodo-manœuvre-dodo-manœuvre-repas-manœuvre-dodo-météo-navigation-dodo etc ...
Et ceci pendant 5 jours ... avec un peu de piment tout de même histoire de ne pas s'ennuyer: lors de puissantes rafales à plus de 30 nœuds, je sens le pilote avoir des difficultés à conserver le cap donné et me faire quelque départ au lof assez violent. Après enquête, je trouve une avarie de barre. En effet, le boulon traversant reliant la barre du safran tribord à la tringlerie générale est cassé ! Trouver boulon de remplacement n'est pas une difficulté, le mettre en place sans pouvoir arrêter le bateau n'est pas une mince affaire, mais persévérance et jurons nous sauvent de tout, n'est-ce pas?
A 21h30, brouillard dense habituel, les grains menacent comme tous les soirs et cette fois le bateau part au tapis à la première rafale : le boulon de remplacement (diamètre 8mm quand même) a encore cassé après à peine 10h d'utilisation: la pièce de liaison, lors de la première rupture, a été "usée" et a pris du jeu, cela induit des efforts anormaux et parasites qui font mal travailler le boulon qui casse. Même persévérance, jurons de la saison 2 puis le boulon est remplacé en 30 minutes... Puis je fais le compte de mes boulons, il m'en reste 3 d'avance, 3 x 10h = 30h et nous sommes à 3 jours (72h) de l'arrivée. Quelques périodes "dodo" seront remplacées par des réflexions pour un plan B...
Au petit matin, pas de plan B en vue, le troisième boulon casse... Heureusement dans la journée le vent va commencer à se calmer et surtout mieux s'orienter. Il y a moins d'efforts sur la barre et je peux dans la journée, revisiter la réparation et mettre mes mains dans cette mécanique en mouvement, rajouter des rondelles plus larges et resserrer l'ensemble correctement avec contre-écrous... On finira comme cela, je remplacerai tout de même ce boulon par acquis de conscience avant d'arriver à proximité des cailloux de Houat.
Dans le genre frissons dans le dos et incompréhension mécanique, j'ai trouvé (par pure chance et en pleine nuit) la vis de liaison entre vit de mulet et la bôme à moitié dévissée malgré l'écrou Nylstop... Quelques coups de clé et se sera réglé, mais jusqu'à quand ?
Puis le temps, avoir déchaîné sa colère, se calmera pour de bon. L'ambiance de vie à bord se détend un peu mais le mousse reste au tapis, se nourrissant des seules choses qui passent (et restent): des quartiers de pomme et du jus de fruit...
Nous nous approchons du rail de cargos, la ligne droite entre Ouessant et le Cap Finistère. Ce rail fait tout de même environ 24 milles (50 km) et est encombré de milliers de cargos qui se succèdent sans fin. Un brouillard à couper au couteau rend la visibilité nulle, seule l'électronique nous permet de passer ce "champs de mines" en toute sécurité. Nous démarrerons les moteurs afin de conserver une trajectoire et une vitesse stable. Tous les cargos se montreront respectueux et se dérouteront parfois afin que nos routes soient claires.
Au beau milieu du rail des cargos ... |
Lors d'une de mes visites parano-mécanique du système de barre, je découvre une des vis de maintien de l'autre safran qui a commencé à se défaire et est prête à tomber. Une goutte de frein-filet et un coup de clé remédiera à cela mais fait réfléchir et encourage aux visites techniques de routines.
La veille de notre arrivée, nous sortons du rail, le vent s'est calmé et une belle houle atlantique nous accompagne. Je met les cannes en action et ... Je louperais 2 thons de belle taille, un à portée de main et l'autre à 10m du bateau ... Belles bagarres mais perdues donc je vais continuer à manger du jambon ...
Puis, les côtes bretonnes finirons par se dessiner dans le lointain, mon pauvre petit mousse, encore fébrile, pourra tout de même se lever car le vent est, maintenant, carrément tombé.
19h15 heure locale, l'ancre tombe à la plage du Salus de Houat. Fin de quart ! Il me faudra plusieurs jours avant de me déshabituer aux micro-sommeils et faire une véritable nuit de repos, mais on est contents d'être arrivés !
En bleu: l'othodromie - En rouge: la stratégie globale - En noir: la route effectuée - En pointillé : route 2016 |
1257 milles nautiques en 8 jours et 6 heures contre 1385 milles en 8 jours et 15 heures l'année dernière en rentrant des Antilles.
La Bretagne et ses lumières sait remercier ceux qui se sont battus pour la rejoindre ... :) |
Trop dur pour les mamans. On connaît le récit de la traversée mais on a encore mal au ventre en le relisant. Maryvonne ��
RépondreSupprimerHeureusement que tu n'es pas en plus tombé en panne de jurons.....mais là je crois que tu en as sous le capot et que la pénurie n'est pas pour tout de suite !!! à bientôt.
RépondreSupprimerArff quelle aventure ! Passerez-vous du côté de la trinité ?
RépondreSupprimerStefane
Salut les bretons,
RépondreSupprimerPassez moi un coup de téléphone, ça me ferait plaisir de vous avoir.
+33676283436